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Psychologie

La paresse, l'oisiveté et autres vices…

16 août 2007

Johanne Bernatchez, psychologue - Département de psychologie et d'orientation

Match nul…

Voici un échange dont vous pourriez être témoin à votre retour de vacances : «Et puis? Qu'as-tu fait durant tes vacances? – Rien. – Rien? (mélange d'étonnement et d'incrédulité) – Non, rien. Je suis restée tranquille. – Ah? (mélange de suspicion et de questionnements non exprimés) – Et toi? – Ah! (mélange de fierté et de satisfaction d'avoir beaucoup à dire) Ça été bien rempli! On a passé une semaine à Niagara et on a vu tout ce qu'il y avait à voir dans le coin. Puis on est revenus le temps de refaire nos valises et on repartait pour une semaine faire le tour de la Gaspésie en vélo. Je me suis aussi mise à jour dans ma lecture de best-sellers que je n'avais pas eu le temps de lire dans l'année. Puis finalement, j'ai fait quelques conserves et je suis prête pour l'hiver. – Alors, tu te sens en forme pour la rentrée d'automne? – Bien… Tu sais comment c'est… Une autre semaine n'aurait pas fait de tort…»

Point de match…

On dit que l'oisiveté est la mère de tous les vices. Mais qui dit qu'il faut toujours faire quelque chose? Il semble, de façon générale, que notre société moderne et dite évoluée tend à inclure l'inactivité sous toutes ses formes dans la compréhension du mot «paresse». Dans le monde du travail, l'occupation à outrance se confond avec efficacité et productivité. Nos temps de loisirs ne sont pas non plus exempts de cette influence. On nous bombarde de toute part de suggestions d'activités qui induisent l'idée qu'il faut occuper, et de façon profitable, la moindre parcelle de notre temps libre. À titre d'exemple, les chroniqueurs culturels remplissent nos soirées et fins de semaine avec de nouvelles propositions chaque jour! Ce ne sont que des suggestions, bien sûr, et libre à nous d'en tenir compte. Mais cela contribue, à l'instar de bien d'autres sources de stimulations, à la croyance qu'il faut constamment faire quelque chose, et à sa réciproque, que ne rien faire est une perte de temps. Et cela ne s'arrête pas là. Un effet pernicieux de cette chasse au temps perdu est qu'elle peut nous entraîner dans une escalade d'activités à rajouter dans notre emploi du temps et dans une sorte de surenchère de standards à atteindre. Alors, nous nous procurons des abonnements culturels ou sportifs. Nous nous empressons de lire le dernier ouvrage populaire. Et ainsi de suite.

Tout cela nous donne l'impression d'être de notre temps, de suivre le courant, d'être dans la normalité quoi! Imaginez des parents qui vous diraient que leurs enfants n'ont jamais été inscrits à un cours de natation, ou à un club de soccer, ni à aucune autre activité? De la même manière, dans un milieu de travail, quand une personne arrive à en faire un peu plus que d'autres, cela devient petit à petit la nouvelle norme de productivité. Nous assistons ainsi à une évolution à la hausse des standards à atteindre. Toujours plus, toujours mieux, mais toujours les mêmes 24 heures… Essoufflés diront certains. Épuisés oseront dire d'autres.

Et le gagnant est…

Avez-vous déjà remarqué qu'il arrive plutôt souvent que nous trouvions une solution à un problème après l'avoir mis de côté pour une courte période? Avez-vous déjà observé qu'après une pause, on retrouve un peu de disponibilité et d'énergie pour retourner à notre tâche? Une personne qui se démène sur une machine bloquée est-elle plus efficace qu'une personne qui réfléchit sur l'origine de la panne? Est-ce que l'efficacité passe nécessairement par le déploiement d'actions énergiques? Vous voyez certainement où je veux en venir. L'éternel équilibre entre l'action et l'arrêt. Le voyage et l'escale. Le yin et le yang évoqueront certaines philosophies orientales. Il semble que le temps à ne rien faire ou certaines formes d'oisiveté ne sont peut-être pas aussi improductives qu'il n'y paraît à première vue. En effet, le temps d'arrêt semble permettre une autre forme de travail d'où peut provenir résolution, récupération ou encore création. D'ailleurs, l'idée de cet article et, grosso modo son contenu, m'est venue un matin alors que je paressais, traînais, relaxais dans mon lit. Non pas parce que je n'arrivais pas à me lever, mais bien par choix de profiter de ce moment. Pas trop fatigant, hein? Et plutôt efficace… Il semble que l'inaction et ses variantes entraîne finalement son lot de profit.

Décidément, cet article m'inspire. Ma journée est faite. Je ne fais plus rien. Même pas à souper. On verra bien ce qu'il en ressortira de bon…

En collaboration avec le Service de psychologie et d'orientation